Depuis mars 2023, une norme volontaire NF S52-014 est transmise par le Ministère des Sports afin d’accompagner les acteurs de la filière aquatique. Initiée par le Ministère des Sports en 2019, elle s’inscrit dans un processus de réforme générale de la profession réglementée des MNS. Par le biais du Comité de pilotage, le ministère des Sports était chargé du plan d’aisance aquatique, de la lutte contre les noyades et la réforme de la profession de MNS en s’appuyant sur les recommandations de la CNEN. Le ministère de l’Intérieur devait réformer le BNSSA et sa formation pour en augmenter ses prérogatives. Enfin, l’AFNOR (Association Française de NORmalisation) était mandatée pour faire évoluer les normes aquatiques en termes de surveillance en piscine publique notamment en valorisant la séparation des missions du MNS et en mettant en avant les normes techniques de surveillance.

Qu’est-ce qu’une norme volontaire ?

L’AFNOR, relayée par le ministère des Sports, joue sur les mots : juridiquement parlant, cela n’existe pas. La norme est une règle de droit, qui est générale et obligatoire. Norme et volontaire sont donc littéralement opposés : une norme impose quelque chose, tandis que le terme volontaire sous-entend une certaine liberté d’action.

Cette norme volontaire crée des dissonances sur le terrain puisque certains vont l’appliquer alors même qu’elle n’est ni obligatoire, ni contraignante, sans aucune base légale.

Quelle est cette norme volontaire ?

D’après l’AFNOR, la nouvelle norme volontaire NF S52-014 souhaiterait « aider les exploitants de piscines ouvertes au public à organiser un dispositif de sécurité adapté et fixer les bonnes pratiques pour une surveillance professionnelle efficace de la baignade ».

Toutes les piscines à accès payant (piscines municipales, parcs aquatiques…) et à usage collectif (piscines d’hôtels et de campings, par exemple) sont concernées par la loi. Le code du sport impose une « surveillance constante » de l’eau. Cependant, selon Patrick DUNY consultant spécialisé et président de la commission de normalisation AFNOR sur les piscines publiques, « la loi ne précise pas comment cette surveillance doit s’exercer, à charge pour la normalisation volontaire de définir des moyens de surveillance adaptés ». Homologuée le 15 mars 2023, la norme volontaire semble être un guide pratique visant notamment à améliorer la formation des surveillants-sauveteurs.

Elle est téléchargeable sur le site de l’AFNOR via la sponsorisation du ministère des sports, des jeux olympiques et paralympiques (MSJOP) après s’être délesté de pas moins de 345,36 € : https://www.boutique.afnor.org/
Elle complète logiquement l’obligation de moyens prévue à l’article L. 121-3 du code pénal.
Le SDJES des Pays de la Loire en a fait un rapide résumé :

https://www.loire-atlantique.gouv.fr/contenu/telechargement/57989/424009/file/Norme%20NF%20S52-014_%20baignade%20acces%20payant.pdf

La norme fait la promotion des BNSSA en autonomie totale, avant même que la règlementation du code du Sport ne change.

Depuis de nombreuses années, les titulaires du BNSSA ont la possibilité de surveiller en autonomie dans les établissements de bain d’accès payant uniquement lors de l’accroissement saisonnier, sous dérogation de maximum quatre mois par an. Pour bénéficier de cette dérogation, les chefs d’établissement doivent prouver qu’ils n’avaient pas reçu de candidatures de MNS. Comme la dérogation est chronophage pour les préfectures et qu’elle n’a pas réellement réglé le problème de pénurie des MNS, le Ministère des Sports entend donner aux BNSSA la qualité de surveillant en autonomie dans les établissements de bain d’accès payant.

La norme souligne bien la nécessité de former les futurs titulaires du BNSSA, qui ne bénéficient pas actuellement des compétences requises pour effectuer cette tâche en autonomie. Les professionnels le demandaient : « La réglementation qui s’applique date de 1991, rappelle Denis Foehrle, directeur du centre national de formation de la FNMNS, l’une des principales organisations du métier, membre de la commission de normalisation. Or, les bassins ont considérablement évolué depuis : piscines à vagues, rivières pour nager à contre-courant, décors… Ce n’est plus un rectangle de 25 x 10 mètres, les contraintes de surveillance sont totalement différentes ! La norme prend en compte ces évolutions pour s’adapter aux situations réelles, en mettant l’accent sur les techniques de surveillance. »

Une précipitation d’annonce, reflétant un cruel manque d’organisation.

ATTENTION, voyez l’objectif d’assurer l’alimentation en candidats pour les centres de formations de BNSSA alors que les collègues BNSSA n’ont pas à ce jour de formation sur le Code de la Santé publique avant ouverture des bassins, sur la coordination des secours en ERP piscine, de précisions sur les responsabilités visées par le Code civil.

La norme volontaire ne précise rien concernant les BNSSA titulaires avant l’évolution de la formation, réforme qui n’existe pas à ce jour, ni des responsabilités de chacun.

La norme ne cite pas non plus le long travail de recherche sur l’alternance des tâches ciblée par l’enquête universitaire d’Elie Vignac et Pascal Lebihain pour une meilleure vigilance efficiente des usagers des piscines. Cette recherche (« Limites de la surveillance dans 108 piscines publiques françaises ») met en avant la difficulté de la mission de surveillance, et les solutions qui permettraient de l’améliorer. Spoiler alert : rendre les BNSSA autonomes en surveillance n’est absolument pas dans les propositions de cette recherche. Elle conclut plutôt en valorisant entre autres l’alternance des tâches surveiller – enseigner qui permet de garder une meilleure vigilance et lutter contre la déconcentration et l’hypovigilance en surveillance (polyvalence des tâches impossibles pour les BNSSA qui ne peuvent enseigner).

Une norme reprenant les généralités de la surveillance maîtrisées par la profession de MNS depuis des décennies pour réduire les risques de noyades.

  • Paramètres physiologiques pour bien balayer du regard et éviter tout angle mort lors d’une surveillance de baignade.
  • Définitions des différentes positions en surveillance aquatique (assise, debout, en hauteur).
  • Méthodes de comptage, particulièrement utiles pour l’encadrement d’un groupe scolaire ou Accueil Collectif de Mineurs.
  • Bonnes pratiques pour mettre en place un plan d’organisation de la surveillance et des secours (POSS) adapté à l’ERP piscine.
  • Tenue appropriée pour être distingué sur le bord des bassins et/ou plages.

Une norme volontaire soi-disant « pour réduire les risques de noyades ».

L’augmentation des noyades en France n’est pas du ressort des accès en ERP piscine payante, comme le montre le tableau ci-dessous des noyades mortelles enregistrées pendant l’été 2018 par Santé Publique France.

Écrire revient à mentir pour valoriser l’intérêt de cette norme volontaire auprès des institutions et des collectivités. En effet, les MNS et BNSSA font très bien leur travail d’intérêt public en anticipant les risques de noyades et en ayant certainement les meilleurs résultats au monde en termes d’accueil de publics en zone de baignade. 2% des noyades sont enregistrées dans les établissements de bain d’accès payant alors qu’ils accueillent plus de 70 millions de personnes/an. C’est exemplaire. Bravo à vous !

La norme volontaire reflète plutôt la volonté du ministère des Sports de se débarrasser de cette problématique augmentation des noyades et de pénurie de MNS. En prenant par-dessus la jambe les problèmes de fond qui fragilisent la profession et les conditions de travail des MNS, le ministère des Sports ne fait que renforcer cette hémorragie de professionnels.

Cette communication par le biais de l’AFNOR n’est que le début d’une grande campagne que le ministère des Sports a déjà planifié. L’autonomie de surveillance des BNSSA devrait être règlementée avant l’été 2023, pour permettre aux établissements de bain d’accès payant de faire le plein de « surveillants » et ainsi lutter activement contre les noyades. Sauf que le tableau de Santé Publique France montre bien que les noyades sont en partie arrivées dans des endroits où il n’y a pas de surveillance : soit par manque d’apprentissage de la natation (notamment les tous petits et les jeunes), soit par manque d’information sur les dangers de la noyade (notamment pour les plus de 45 ans). Il ne nous manque pas des surveillants, mais bien des MNS, qui savent enseigner, surveiller et sauver.

La norme volontaire soulève également d’autres problèmes : la surveillance 35h semaine, 1607 heures par an n’est pas un rêve d’émancipation professionnel. Combien de BNSSA recyclent leur diplôme après 5 ans ? La pénurie qui est exponentielle chez les MNS et qui commence à arriver chez les BNSSA ne va que se renforcer au fil des années.

Le positionnement des MNS en enseignement permanent, 1607h /an, 35h/semaine, fera exploser les Troubles Musculo Squelettiques au travail. C’est déjà une des causes de la chute des vocations pour la profession des MNS et la cause des reclassements pour inaptitude physique.

Cette division des tâches engagera une opposition des professionnels de l’AAN MNS et BNSSA, et une grande difficulté à gérer les plannings des personnels sur les bords des bassins au quotidien.

Le Ministère des Sports n’a pas assez d’agents pour contrôler les situations illégales. Demain, cela ne va pas s’arranger compte tenu du non-remplacement des cadres de l’Etat dans les SDJES et DRAJES. La tromperie deviendra légion vis-à-vis des usagers et des clients des piscines.