Le Ministère chargé des Sports nous demande de choisir le poison qui va tuer la profession de MNS.


Le Ministère chargé des Sports s’appuie sur une « urgence » de 31 ans afin de démanteler le cadre règlementaire de la surveillance au détriment de la sécurité de la population.

 

Vendredi 17 décembre 2021, le Ministère des Sports a réuni des organisations syndicales et professionnelles de Maîtres-Nageurs Sauveteurs (MNS) pour un échange sur le décret concernant la surveillance des piscines d’accès payant.

La situation est critique. La pénurie de MNS entraîne de plus en plus de fermeture de piscine. La proposition du ministère est « d’assouplir le cadre réglementaire » en faveur des employeurs et au détriment de la sécurité de la population. On l’a bien compris, le but est de « donner plus d’autonomie aux BNSSA en surveillance, et plus longtemps, pour permettre aux MNS d’exercer pleinement leur métier, à savoir l’enseignement des activités aquatiques de la natation. »

Le Ministère des Sports est conscient des enjeux de ce changement et la décision ne se prendra qu’à travers des engagements que les employeurs devront suivre scrupuleusement. Il nous a donné rendez-vous en janvier 2022 pour annoncer des positionnements décisifs sur cette question.

Y a-t-il vraiment urgence ?

Pas tant que ça. Depuis 1986, nous dénonçons un manque de MNS. Un rapport du Conseil économique et social datant de 1990 alarmait également sur le manque de MNS en France. Depuis 31 ans, l’Etat s’est désengagé progressivement à former des MNS et les coûts de formation deviennent inabordables. De plus, les conditions de travail n’ont pas cessé de se dégrader : les salaires baissent alors que les responsabilités juridiques augmentent, le volume horaire des MNS est de plus en plus important sans reconnaissance des pénibilités spécifiques, les normes d’hygiène et de sécurité sont de moins en moins applicables en raison de la dissimulation de certaines missions, les maladies professionnelles et Troubles Musculosquelettiques (TMS) augmentent.  Ce manque d’attractivité se traduit par un désintérêt pour la profession.

Une étude du CREPS de Nantes démontre bien qu’auparavant, les MNS faisaient en moyenne entre 7 et 8 CAEPMNS pendant leur carrière. Actuellement, la moyenne descend entre 3 et 4…

Imposer dans la soi-disant urgence des décisions visant à sous qualifier les personnes ayant la responsabilité de la surveillance des piscines engendrera une augmentation flagrante des accidents en piscines d’accès payant. Et ce alors même que les résultats sont plus qu’honorables en la matière au vu des + de 70 millions d’entrée payantes par an quantifiées en moyenne sur le territoire national.

« Exercer pleinement notre métier ».

Le MNS est garant de la sécurité et de l’hygiène au bord des bassins. Actuellement, il est le seul formé à l’intégralité des exigences techniques et réglementaires dans ce domaine. Il a une place centrale dans l’établissement puisqu’il est à même de rédiger et faire respecter le POSS, le règlement intérieur, les normes du code de la Santé Publique, les projets pédagogiques de l’établissement, ainsi que de les mettre en œuvre sur le terrain. Sa mission d’enseignement de la natation est certes primordiale pour donner l’autonomie aquatique aux citoyens, mais pas moins importante que celle de surveiller les usagers qui viennent nager dans son établissement.

Comparer un BNSSA et un MNS au point de faire l’amalgame entre les deux en termes de surveillance est une manipulation dangereuse de la part du Ministère chargé des Sports. Cela va à l’encontre de la mise en place du plan de lutte contre les noyades.

L’autonomie des collègues BNSSA en surveillance a ses limites : ils ne reçoivent pas de formation en termes de règlementation sur l’accueil des différents publics, le code de la Santé Publique, le code du Sport, le POSS et sa coordination des secours, etc… N’ayant pas d’action pédagogique, ils ne connaissent pas les niveaux aquatiques des différents publics qui accèdent aux bassins. L’anticipation des situations à risque est donc bien amputée alors qu’elle représente le cœur des exigences de surveillance. Sans parler de la différence de formation entre les deux diplômes : – 9 mois minimum pour un BPJEPS AAN (enregistré au Répertoire Nationale de Certification Professionnelle, RNCP)

– Absence de minimum pour le BNSSA (non enregistré au RNCP).

Comme pour la justice, l’enseignement, la santé, la police, … on voit bien que l’anticipation de formation des professions d’intérêt public n’a pas été au RDV. Aujourd’hui, les politiques souhaitent répondre à l’urgence en bricolant. Mettre du personnel en soutien de sécurité ne suffit plus à camoufler ces erreurs. L’Etat propose le pire en urgence, déstabilise la filière et met en danger les usagers des piscines !

Quelle sécurité en surveillance ?

Lors de ces quinze dernières années, nous avons pu voir émerger des études sur la surveillance en piscine (https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01201725/document). Les conclusions mettaient en avant l’importance de l’alternance des tâches (pédagogie et surveillance par exemple) pour maintenir une vigilance de qualité dans la surveillance. Les collègues BNSSA n’ont pas la formation pour l’enseignement et sont uniquement embauchés dans les piscines d’accès payant pour assister et renforcer la surveillance du MNS.

Nous trouvons indécent d’imposer aux BNSSA des conditions de travail dégradées lors de la surveillance puisqu’ils n’ont pas la capacité d’alterner plusieurs tâches et aucune obligation de repos indispensable dans les professions où la vigilance est prioritaire. A terme, la qualité de la surveillance sera impactée et cela conduirait nos collègues BNSSA à des situations ingérables et potentiellement dangereuses. Cette situation va également porter préjudice à la sécurité des baigneurs qui viennent pratiquer dans nos piscines.

La profession fait son travail malgré tout.

La France est le premier pays touristique au monde avec une fréquentation très élevée l’été. Cette situation nationale globale participe à l’augmentation vertigineuse du nombre de baignades sur cette période. Cette augmentation touche également les piscines d’accès payant, qui voient leur nombre d’entrées se multiplier chaque été. Lors de l’été 2018, Santé Publique France décomptait 9 noyades mortelles sur 497 dans les piscines d’accès payant. Soit moins de 2% des noyades mortelles sur cette période. Lors de l’été 2021, Santé Publique France a compté 1 noyade mortelle sur 250 en piscine d’accès payant sur la saison estivale. (file:///C:/Users/leger/AppData/Local/Temp/PE_noyades_n4_10092021_vf.pdf). Un exemple pour beaucoup de pays dans le monde.

Les chiffres sont parlants : la surveillance des MNS dans les établissements aquatiques d’accès payants est excellente. Nous saluons le travail et le professionnalisme dont ils font preuve chaque jour pour assurer la sécurité des baigneurs dans nos piscines. Le Ministère chargé des Sports tente de déshabiller les MNS de la surveillance alors même qu’ils réalisent un excellent travail et qu’ils luttent chaque jour contre l’augmentation des noyades.

Nous refusons d’envoyer nos collègues BNSSA au casse-pipe en surveillant en autonomie nos piscines d’accès payant.

Nous refusons de détériorer la sécurité de nos baigneurs, alors même qu’ils comptent sur nous pour veiller sur eux.

Nous demandons le rétablissement de l’article D322-15 du Code du Sport. La place du MNS doit être centrale dans les piscines.

Nous demandons des moyens pour relancer l’attractivité de la profession au travers d’une amélioration des conditions de travail et de la reconnaissance de sa pénibilité.

Nous exigeons une augmentation des salaires et un meilleur déroulement de carrière.

Nous demandons une réelle discussion et une mise en place de solutions concrètes pour la profession : sortir un décret à la va-vite en quinze jours ne permettra pas de trouver une solution pérenne.

Nous avons besoin de vous, collègues MNS, pour faire entendre ces revendications !