Choix technique face à une fermeture prolongée d’un bassin
En cette période particulière où le COVID-19 engendre des fermetures aux publics de piscines sur l’ensemble du territoire Français, beaucoup de gestionnaires publics ou privés s’interrogent sur les conditions techniques de fermeture de leurs établissements : ne pas vidanger, vidanger partiellement ou complètement le ou les bassins ? Le SNPMNS a rassemblé quelques informations pour vous expliquer pourquoi il semble primordial de laisser de l’eau en action, même réduite, et ne pas vidanger totalement pendant cette période indéterminée de non exploitation.
Contraintes structurelles
La mécanique des fluides explique que tous les solides sont des fluides tellement visqueux qu’il y a moins de matières qui passent à travers. Lorsque le bassin est rempli, une force va se créer au niveau des parois, entre les bords du bassin et l’eau. Celle-ci va donc repousser les parois du bassin vers l’extérieur. Un bassin conventionnel en béton armé est fabriqué pour contenir une masse vivante dite non inerte : l’eau qui est dans le bassin va créer une force qui repoussera les parois vers l’extérieur. De façon schématique, n’oublions pas que 1m³ correspond à 1 tonne. Cette masse devient donc très importante et sa disparition prolongée apportera un déséquilibre des forces en présence.
Si on prend le problème à l’envers, de nombreux ingénieurs se sont penché sur le sujet. Comment créer un matériau de construction dur, qui puisse résister aux contraintes de forces de façon aléatoire ? Par exemple, le béton qui tient un pont doit s’adapter. Il ne doit pas se déformer lorsqu’il y a des voitures dessus (forces positives qui maintiennent le béton), mais il ne doit pas non plus bouger lorsqu’il n’y a pas de voitures dessus. Il y a donc une absence de force (ou force dite négative).
Le britannique John Smeaton en 1756 découvre le béton armé et précontraint. Un brevet fut déposé en 1928 par le français Eugène Freyssinet ingénieur des ponts. Ce type de béton armé précontraint est depuis largement utilisé dans les constructions de chantiers publics. Ceux-ci ne doivent pas subir de mouvements de masse. On le comprend facilement lorsque l’on se penche sur le cahier des charges des constructions de ponts ou de centrales nucléaires par exemple. Les armatures de métal sont mises en contrainte avant d’être insérées dans le béton. Lorsque celui-ci recevra une contrainte extérieure, il ne se déformera pas puisque l’arc de métal sera déjà contraint à l’intérieur.
Dans le cas de nos piscines, très peu d’architectes font appel à des constructions avec du béton armé précontraint, pour des raisons économiques. C’est pourquoi de nombreux gestionnaires d’E.R.P. piscine ne vidangent pas leurs bassins lors de fermetures prolongées de l’exploitation. Les risques structurels sont beaucoup trop importants.
Arguments divers
Outre le fait que le bassin puisse fissurer et présenter des défauts d’étanchéité à plus ou moins long terme (argument structurel), il y a des arguments économiques, écologiques et sanitaires à ne pas vidanger une piscine :
- Argument écologique : les volumes d’eau contenus dans les bassins sont traités et non croupissants. Ça serait gâcher de l’eau qui pourrait encore servir, ce qui était l’argument n°1 de l’ARS pour passer de deux à une seule vidange par an.
- Argument économique : outre les frais engagés sur la reprise du béton et de l’étanchéité du bassin s’il bouge après vidange totale prolongée, remettre totalement en eau une piscine peut coûter très cher. De plus, la masse de béton étant en mouvement (sans eau à l’intérieur des bassins), le carrelage apposé dessus peut souffler par les micro mouvements opérés par le béton lui-même. La note peut énormément augmenter avec la reprise du carrelage qui aurait fissuré ou cassé dans le pire des cas, sans compter la perte d’exploitation prolongée.
- Argument sanitaire : l’eau chlorée contraint et tue les germes présents dans le bassin. Si on enlève l’eau, la propagation des germes sera exponentielle. Cela engendre souvent un risque accru de légionellose.
Sans compter la remise en service des filtres, appareils électroniques, pompes qui permettent la bonne circulation de l’eau. L’arrêt en situation sèche au-delà de 15 jours de ces éléments sensibles fait souvent apparaître de gros dysfonctionnements. Les répercussions financières sont onéreuses et alimentent là encore une augmentation de la perte d’exploitation.
Exemples concrets.
Nous pouvons parler du cas extrême de la sécheresse de l’hiver Breton 1989-1990, où toutes les piscines d’eau douce de l’Ille et Vilaine ont dû fermer sur décision préfectorale. Les exploitants ont conservé en eau leurs bassins pour pouvoir les préserver et redémarrer au plus vite après 4 mois de fermeture des piscines.
Dans ce même département, lors de la fermeture définitive de la piscine municipale de Bain de Bretagne en 2018, le maire a décidé de garder les bassins chargés, non chauffés mais en traitant l’eau pour éviter la propagation des germes. Le but à long terme est de la réexploiter avec un projet futur et réutiliser les bassins déjà existants. Pour éviter des mouvements de béton et que tous les bassins s’affaissent sur eux-mêmes, ils ont gardé la piscine en eau. La mise en sommeil d’une installation coûte forcément un peu d’argent, puisqu’il faut faire venir du personnel pour contrôler, faire quelques apports d’eau et de chlore pour éviter que l’eau croupisse. Cependant, cela n’est rien face aux travaux engendrés par une déformation structurelle ou des dysfonctionnements de matériaux de contrôle et de traitement.
Nos préconisations
Il semble important de garder une chloration du ou des bassins à 0,6mg/L.
La température, en ce début de printemps, peut-être largement baissée. C’est assurément la charge financière la plus forte puisqu’il n’y a plus de risques de gel en cette période. En cas de doute et avant tout pour les bassins plein air, garder des lignes d’eau et/ou des objets flottants lestés peut aider à briser la force éventuelle de la formation de glace en surface. Une mise en sommeil des installations et un passage d’une personne une à deux fois par semaine maximum est conseillé.
Pour toute information complémentaire, vous pouvez appeler le cabinet BIGNONEAU au : 06 07 95 64 67. Ils n’ont pas de produit à vendre, que des solutions d’expériences, pragmatiques et opérationnelles.