Les blancs ne savent pas sauter, les noirs ne savent pas nager

Il y a dans les piscines, comme dans le reste de la société, des idées reçues qui ont la vie dure. Une d’entre elles consisterait à penser que les Noirs ne savent pas nager et pire que tout qu’ils ne peuvent pas apprendre à nager parce que « naturellement ils coulent ». « Qu’est-ce que vous voulez mon bon monsieur, c’est comme ça, c’est dans leurs gènes, on peut rien y faire et pis c’est tout ! ». « On ne peut rien y faire ? » Bigre, quelle vision moderne des choses.

Mais que dit la science, la vraie, pas celle des bistrots

Dès 1971, Ghesquiere et Karvonien rapportent dans une étude que : « la race caucasienne flotterait mieux que la race noire grâce aux téguments de peaux épais, aux poumons et à un volume résiduel plus petit, et un pourcentage d’os compacts élevé chez les noirs. De plus, la morphologie du nageur joue un rôle important sur sa flottabilité. La flottabilité naturelle du nageur est personnelle et différente d’un individu à un autre. Elle dépend de la masse grasse, de la masse osseuse et de la masse musculaire. Ainsi, elle dépend de l’âge, du sexe et de l’ethnie du nageur». Une autre étude (Adrian Bejan, université de Duke, Caroline du Nord) montre que le nombril, centre de gravité du corps, est la clé du secret de la domination des blancs en natation. En effet, les Européens ont un torse en moyenne trois pour cent plus long que celui des Noirs d’Afrique de l’Ouest ce qui leur confère un avan
tage de vitesse de 1,5% dans une piscine, selon le chercheur. Car l’art de nager vite, toujours selon lui, c’est l’art de surfer sur la vague que l’on a créee. Plus le torse est long et plus la vague est grosse. Cependant, dans une autre étude menée par CATERINI, CHOLLET et MICALLEF il nous est apporté un tout autre éclairage sur le sujet de l’influence de la flottabilité corrélée à la performance: « les résultats sur les mesures anthropométriques indiquent que l’envergure, la longueur des membres inférieurs, la distance bi-acromiale, la surface du maître-couple, sont liés, par ordre d’importance décroissante, à la performance en natation alors qu’il n’existe pas de corrélation entre la performance et l’indice de flottaison».
Nous voilà donc rassuré, rien a priori, ne semble empêcher les Noirs de nager vite ni même encore d’apprendre à nager. C’est un bon début pour ne plus subir le style de phrases malheureuses parfois entendues au
bord des bassins : « oh, mais tu nages bien pour un petit Noir !!! ».

De l’importance du rôle de l’éducateur

La question de la flottabilité étant ici complètement insignifiante, il semble qu’il faille chercher ailleurs, principalement dans les facteurs sociaux et culturels. En effet, en Afrique, peu de pays ont des infrastructures qui leur permettent de mener une politique d’apprentissage de la natation ou de formation d’une élite mondiale. En Europe et aux États-Unis, les idées reçues et le manque de modèles font qu’il y a souvent un phénomène d’auto-sélection, les Noirs se dirigent vers d’autres sports où tout le monde leur a dit qu’ils seraient meilleurs. Même en dehors du haut niveau, les Noirs ne représentent que 2% des licenciés aux États-Unis.
Pourtant, le rôle des éducateurs que nous sommes, par essence, n’est-il pas d’accompagner les enfants ou les adultes afin de leur permettre de développer leur savoir nager minimum et utilitaire quelles soient leurs caractéristiques ? Récemment, Axel Lamotte, membre du bureau national du SNPMNS, me disait pouvoir marcher au fond de
l’eau tellement sa densité faisait qu’il avait une flottabilité déplorable. Tous ceux qui le connaissent savent qu’Axel n’est pas noir, et qu’il est Maître-Nageur Sauveteur ! Il existe même des champions olympiques de natation qui sont noirs. Par exemple Anthony Nesty, nageur surina mien, en 1988 aux Jeux de Séoul, en finale du 100 mètres papillon (53 secondes), se permet de battre Matt Biondi, grande référence mondiale de l’époque. Un autre exemple avec Julien Sicot (voir photo). D’après Didier Chollet, maître de conférence à l’université de Montpellier, le nageur français, ancien membre de l’équipe de France, avait le meilleur coefficient mondial de progression par rapport à la nage, c’est-à-dire qu’entre le moment où sa main entrait dans l’eau et le moment où elle en ressortait, elle ne reculait que de 8cm. Ceci est rarissime en crawl et ne se voit quasiment qu’en dos. En ce qui concerne les statistiques concernant les championnats de France minimes et cadets de la Fédération Française de Natation (FFN), il y a une grosse représentation des clubs antillais. Stephan Meyer, également membre du bureau national du SNPMNS et à qui je dois ces informations, me faisait remarquer: « qu’un sous-marin avançait, à condition d’avoir une bonne hélice couplée à un bon moteur !». Dans sa chanson War (1976), Bob Marley chantait : «La couleur de la peau n’a pas plus de signification que la couleur des yeux ! ». « I have a dream…! »disait un autre (Martin Luther King – 1963).

Manuel Holé
Président de la commission environnement
Section Haute-Garonne