Temps d’habillage sur le lieu de travail : une application littérale de la loi

Les salariés auxquels le port d’une tenue de travail est imposé ne reçoivent pas de contrepartie, financière ou sous forme de repos, pour le temps consacré aux opérations d’habillage et de déshabillage effectuées sur le lieu de travail dès lors qu’ils gardent la possibilité de se changer ailleurs que dans l’entreprise

La Cour de cassation confirme, par un arrêt du 17 février 2010, la nécessité d’opérer un retour aux fondamentaux en reprécisant les conditions justifiant le versement d’une contrepartie pour le temps passé par les salariés aux opérations d’habillage et de déshabillage sur leur lieu de travail.

1 | Le rappel du principe

Elle opère une lecture littérale de l’article L. 3121-3 du code du travail, en rappelant que le droit à contrepartie pour le salarié n’est ouvert qu’à deux conditions, cumulatives : • le port d’une tenue de travail doit être imposé par des dispositions légales, conventionnelles, par le règlement intérieur en vigueur dans l’entreprise ou encore par le contrat de travail lui-même ; • les opérations d’habillage et de déshabillage doivent être réalisées dans l’entreprise ou sur le lieu de travail. Si l’obligation faite aux salariés de porter une tenue de travail ne posait pas de difficulté en l’espèce, tout l’objet du litige portait sur la seconde condition.

« La chambre sociale de la Cour de cassation sanctionne l’interprétation extensive opérée par la Cour d’appel de l’article L. 3121-3 du code du travail »

2 | L’évolution de la jurisprudence

Cette interprétation littérale de l’article L. 3121-3 du code du travail a, dans un arrêt du 26 mars 2008, donné lieu à revirement de jurisprudence de la part de la chambre sociale de la Cour de cassation. Dans l’affaire en cause, les syndicats d’une société de transports publics urbains voulaient contraindre cette dernière à négocier un accord collectif instaurant une compensation
pour le temps passé aux opérations d’habillage et de déshabillage par les salariés soumis au port d’une tenue de travail. L’arrêt de Cour d’appel, contesté par la société de transport, leur avait donné raison en relevant deux points : • le port d’une tenue de travail était rendu obligatoire par le règlement intérieur en vigueur dans l’entreprise ; • même si l’employeur ne leur imposait pas de se changer aux vestiaires, le fait que les salariés en soient réduits – du fait de la noncompensation de ce temps par l’em
ployeur – à le faire à leur domicile pouvait restreindre leur droit à circuler librement sans que leur appartenance à une entreprise ne puisse être établie. La chambre sociale de la Cour de cassation sanctionne l’interprétation extensive opérée par la Cour d’appel de l’article L. 3121-3 du code du travail : reconnaissant elle-même que les salariés n’avaient pas l’obligation de se changer sur le lieu de travail, et ne s’en tenant pas à ce simple constat, elle a violé l’article sus-cité (Cass. soc., 26 mars 2008, n° M. 05-41.476, STAS c/ Union régionale UNSA Rhône-Alpes)

3 | La confirmation : l’interprétation extensive de la loi est de nouveau sanctionnée

Dans un récent arrêt du 17 février 2010, l’employeur refusait d’indemniser les salariés pour le temps passé aux opérations d’habillage et de déshabillage. Tout d’abord, la Cour d’appel a accordé cette indemnisation au motif que : • de nombreux salariés soumis au port de la tenue obligatoire revêtaient celle-ci au sein de l’entreprise ; • l’uniforme en question, bien que relativement sobre sur la forme, comportait néanmoins des éléments distinctifs (logo de l’entreprise) susceptibles de donner une indication sur l’appartenance professionnelle de celui qui le portait, ce qui semblait contrevenir à l’exercice d’une liberté individuelle de base : celle de circuler anonymement ; • les salariés avaient la volonté de conserver un uniforme en parfait état en ne le soumettant pas à des trajets inutiles. La Cour de cassation sanctionne la Cour d’appel : « les salariés, astreints en vertu de leur contrat de travail au port d’une tenue de service, exerçaient le libre choix de la revêtir et de l’enlever, ou non, sur leur lieu de travail ». Pas d’indemnisation. Question de principe !